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Bonne fin de Ramadan, cher Tariq

Pour ceux qui ne l’auraient pas lu, la première chronique de Tariq Ramadan dans l’Economiste, débordait de sagesse et de paix en préparation du mois sacré. J’apprenais hier que la seconde ne serait pas publiée et pour cause de censure, j’étais déçue et deux fois plutôt qu’une! Désappointée doublement, pour les raisons ridicules de cet arrêt de collaboration et pour les stéréotypes véhiculés par l’article traitant de l’industrie du tourisme au Maroc. Habituée à la prestance inégalée du charismatique Tariq Ramadan, je découvre une chronique réductrice et abaissante du tourisme fondée sur le ouï-dire de quelques voisins de table plutôt qu’une enquête sérieuse sur les 9 et quelque millions de touristes à avoir visité le Maroc en 2010. Ces millions de touristes – si l’on doit retenir un profil type – sont essentiellement des familles voyageant pendant les vacances scolaires, français pour la plupart (plus d’un million) venant faire un circuit des villes impériales, ou découvrir Marrakech seule ou encore nager à Agadir pour une semaine. Dans un contexte de crise depuis quelques mois, sauf pour le Ministre en charge, il ne manquait à ce secteur que le slogan spécial « Ramadan »: « C’est un pays, disent-ils, où le soleil est gratuit, l’alcool et la drogue bon marché, la prostitution jeune, discrète et peu chère. ».

 

La chronique aux tonalités extrémiste et populiste juge et condamne un secteur (après quelques fleurs jetées en préambule) qui crée pourtant 8% des richesses nationales. Ce texte se voulait être aussi un réveil des consciences : « ne laissez pas le Maroc perdre son identité au nom d’impératifs financiers destructeurs ». Monsieur Ramadan, vous avez manqué l’occasion de saluer et d’honorer le quasi demi-million de personnes nourris directement par la passion de faire découvrir et aimer leur pays, sans parler des autres qui y contribuent de manière indirecte. Ces hommes ne sont pas tous alcooliques, ni ces femmes des prostitués ou encore les enfants proie à un « tourisme sexuel immoral ». Je ne démens pas les extrêmes au niveau de la société, l’existence d’une frange de la population encore en quête d’elle-même. Je n’occulte pas certaines affaires de mœurs surmédiatisées en France ou au Maroc, ou encore la nécessité de mettre en place des suivis, des contrôles inopinés et une exécution stricte de la législation. Ceci pour empêcher et condamner le pourcentage INFIME de tâches sombres dans le secteur. En effet, il ne faut pas céder aux raccourcis intellectuels et noircir l’ensemble du tableau pour ces quelques événements fâcheux. Je n’aurais jamais pensé que vous, Tariq Ramadan, grand amateur des voyages et des autres cultures, vous puissiez faire de tels raccourcis intellectuels, tenus davantage par des fanatiques intolérants tels que Al Adl Wa Ilhssane.

 

La plus grande  richesse du pays et son plus bel atout touristique, avant le soleil, la mer ou son désert est sa population. Les touristes viennent et repartent touchés par la bonté, la générosité et le sens de l’accueil des marocains. C’est pour eux que je réponds à votre chronique, pour tous ceux qui travaillent de manière directe ou indirecte dans le secteur, les guides touristiques, les chauffeurs de taxis ou de bus, les artisans, les hôteliers et restaurateurs, les agents de douane, les serveurs de café et les « moul alma7hlaba »... qui habitent aussi en dehors des quelques villes que vous citez, sans boîte de nuit, ni casino…mais qui font aussi et vivent du tourisme.

 

Si je devais également écrire une chronique sur le tourisme au Maroc selon les discussions avec mes amis français, anglais ou indiens, je ferai un billet sur le tourisme rural, le tourisme responsable, l’écotourisme, le tourisme solidaire et humanitaire, le tourisme sportif ou encore le tourisme esthétique et dentaire… Je vous citerai des amis motards qui partent à la découverte d’un village à chaque fois différent et ne le quittent pas avant de l’avoir rééquipé, je vous raconterai ensuite l’histoire de ces anglais qui ont construit une école et un hammam à côté de leur maison d’hôte. J’évoquerai mes copains bordelais surfeurs qui viennent loger chez l’habitant dans le sud et qui raffolent des tajines berbères. Je vous épaterai avec ces médecins qui font un circuit de trekking en ambulance pour soigner bénévolement les montagnards. Tous ceux là ne font pas disparaître les casinos ou les boîtes de nuit qui vous scandalisent tant, mais font partie d’un tout comme vous dites aux « identités multiples ».

 

Je sais que pour tout penseur, définir et ranger le Maroc dans une catégorie normée est un exercice complexe. En effet, ce pays à la fois berbère et arabe, musulman et tolérant, ouvert vers l’Europe, attaché à l’Afrique, un pays mené par ses villes et enrichi par sa campagne ; montagnard et désertique avec un littoral… est difficile à cerner par ses habitants et ses visiteurs…mais si facile pourtant à aimer… Est-ce que cela, pour autant, vous permet de le définir en « pays de toutes contradictions »? Est ce que l’Islam et la « liberté chérie en Occident» sont vraiment antagonistes ? Est-ce que vous prônez alors un Islam fermé et privant de cette liberté ? Ceci est un autre débat et nécessite une autre chronique de votre part mais cette fois sans user et abuser de l’image du tourisme au Maroc. Ceci relève de la vaine rhétorique et de la manipulation à la limite de la malhonnêteté intellectuelle. Nous n’avons pas besoin de visiteurs étrangers pour boire de l’alcool, nous n’avons pas besoin de devises étrangères pour fumer un joint… Les jeunes font la fête comme partout, indépendamment de la langue, la culture, le pays ou la religion.

 

Et cette année 2011, plus que jamais ils tiennent à leur liberté plus que tout.



25/08/2011
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