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Halaliser un crime...au nom de l'hymen

Elle venait à peine de quitter l'enfance. Elle tentait de maitriser ce corps qui ne cessait de se transformer. Elle sentait des rondeurs poindre et des courbes légères se dessiner. Les hormones faisaient valser ses humeurs et la préparaient à l'âge adulte et autres étapes de la vie. Elle avait encore cette candeur que seule la dureté, parfois de la vie de ses parents, pouvait atténuer. Sa vie quotidienne était paisible et rythmée autour de sa famille et de la maison où elle apprit très tôt à aider sa mère, en tout. Bien sur, il y avait les fêtes, les mariages et les baptêmes. Elle connaissait le rituel du saroual (*) sans trop le comprendre et la valeur du précieux hymen. On lui demandait de ne pas entendre certaines conversations d'adultes, on lui disait que pour comprendre ses tantes il fallait attendre. Elle était peut être en train de jouer, de chantonner ou juste se balader quand le drame surgit dans sa vie. Un homme lui fit perdre sa quiétude et ses rêves de jeune fille. Avec bestialité, il détruisit ce qu'on lui avait appris comme étant sacré et à sauvegarder contre une dote, une cérémonie, une promesse d'une autre vie. Il la violenta mais pas seulement physiquement, il la souilla aux yeux de sa famille qu’elle ne savait comment aborder... Elle était perdue... De la hauteur céleste, cet ange s’effondra dans les plus profonds abysses. Comment expliquer ce que l'on ne saurait décrire? Comment aborder un sujet que l’on ne peut mentionner a ses parents? Comment raconter ce que l'on ne connaissait? Elle affronta malgré ses peurs non seulement sa famille mais aussi la société, à travers un procès. Elle misa sur la justice et se moqua que le village entier puisse jaser... des témoignages…des lois…un juge… et on scella les noces au violeur et à sa victime... une alliance à vie pour masquer le crime et ne plus en parler… Mais rien n’y fit…D'autres souffrances vinrent par la suite raviver la douleur, pour assombrir davantage ce cauchemar qu'était devenue la vie... De la violence, de la torture, une nourriture amoindrie pour lui rappeler son statut, personne ou RIEN, autrement dit. La solution est apparue à la jeune fille comme inéluctable...radicale mais qui effacera de manière définitive toutes ces blessures et souffrances. Personne n’avait pu l’aider la première fois, ni ses parents, ni l’Etat… Elle ne pouvait s’en sortir que seule, cette fois-ci… En une prise, le poison moribond était ingéré, d’autres souffrances l’attendaient. Une nuit d’agonie durant laquelle on entendit…des cris… des gémissements…un silence…et puis un soupir ultime… FIN

 

 

Ce dernier billet m'a été inspiré de l’histoire de la jeune fille Amina F. morte suicidée, après avoir été violée et mariée à son violeur. A toutes celles qui ont souffert comme elle de ces crimes, considérés par certains comme une honte, à celles qui ont eu le courage de parler et à celles qui se sont tues. A celles à qui on veut faire oublier un viol par un mariage, effacer ce que l'on considère comme souillure et non un crime, purifier le corps devasté, donner à postériori un cadre légal au viol de la virginité...halaliser un crime...au nom de l'hymen

 

 

 

(*) : le rituel du saroual est encore pratiqué au Maroc, lors de la nuit de noces, les familles attendent de voir le pantalon tâché de sang de la jeune mariée.

 

 



16/03/2012
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