twitto ergo sum

M Ahmed FlaneFlane est employé dans une administration publique depuis deux décennies déjà, il a toujours connu son emploi. Wa koulchi kan fi amane Allah hta tsallet 3alihoum wa7ed lwile lak7al. Had lwile c’est un de ceux que la presse appelle les quadras, qui pourrait être de l’âge de son fils. Il a ramené son équipe, tous des djaj roumiyine, fihoum tiwtiw en français et parfois en anglais. Za3ma 9raw fi lmiricane wou la souède wou la ma3rftch aye bled, jayine tidirou bezef lfhamet ! Tijibou lih chkika fi rass had wled danone wou corn flakes !

J’ai rendez-vous avec lui, à 8heures du matin, pour le former sur la nouvelle application de l’administration. Il arrive à 8h30, il s’excuse sans avoir l’air trop désolé, il a rencontré un ancien collègue retraité, à l’entrée…!

Moi : « Bonjour, Monsieur FlaneFlane? Je suis Mlle Super-formatrice de l’outil XYZ»

FlaneFlane : “Sbah al khiiiiir a Madame, bonjour? malki tssa7eb rassek ba9a fi franssa ? na ra ghire nass metwad3ine »

Moi : « Si FlaneFlane je viens pour la formation sur la nouvelle application XYZ décidée au niveau de la Direction Générale, tout le monde devra daba yikhdem sur internet et l’ordinateur »

FlaneFlane : “Wakha a benti tssenay ba3ada ndirou lina chi 9hiwa, bghiti 9hiwa ?”

Moi: « Ah d’accord, mais on ne devra pas tarder parce qu’on est un peu short…ma andnach bezef dial wa9t, wakha ? »

FlaneFlane : « Ghire bchwiya a benti, ra li kanou tijerw men 9bel menek chefna menhoum ktiiiir, walakine aussitôt arrivé, aussitôt échappé ! »

Moi : « Oui bon, va pour le café !  n3wnek fel 9ahwa? Kayna une machine, un distributeur ? »

FlaneFlane : « Wiliii laaa, men3atha lidara, la direction, Kanet chhal  hadi walakin mchat daba « pour cause de manque de productivité au travail », gallek on restait trop à côté de la machine… daba khellini n3yeyt le moul 9ahwa …. Ah tssenaye j’ai 5 appels en absence ! Chkoun lim3ayat awedtani ala sbah!... ah lhajja ! ok khassni n3ayate li mrati woula ghat9etilni … !

Tssenay afak (il compose le numéro)

Alloooo ! chkoun li m3aya ? Touria ? kifach fchkoun li mayat ? chnou ? ah ….koulchi labass ?... ki dayra dar bla biya ?... ah wakha, ewa chnou bghiti ? …ah la blach djaj fi allile, diri ghire lkefta !... chnou ? mab9atch? … chri men andek htan atike ! kifach maendekch wou dakchi lia3etik lbara7h? …wakha safi diri djaj…. yallah besslama alike, 3andi lkhadma khassni nemchi !

9kraf ! (il a raccroché exaspéré !) 3arefti libgha yitssata lyoum yitjouwej m3akoum al 3iyalate wou safi ! wou al3ayialate dial lyoum khlaaaaasse ! tibanou liya men b3id kif woulawe !….la 7hawlata wala 9kouwata illa billah »

Je contiens mon rire et je me concentre sur un stylo pour rester sérieuse: « Bon Monsieur FlaneFlane moul 9ahwa finahouwa ? on doit commencer il est déjà 9h ! »

Flaneflane : « Wahkha ah ! n3ayet lmoul 9ahwa (il compose avec beaucoup d’hésitation, il ne sembla pas habitué à son portable clinquant neuf) « allo khoya, labass, kidayr ? … alhamdoullah ! jib liya afek wahed kika kbira wou kahwa dialti be lhlib b7al l3ada wou tssena afek ! qu’est ce que tu veux toi, charmante demoiselle (avec le sourire)? »

Moi : « Un café expresso s’il vous plait !»

Flaneflane : « Wou kahwa express bel makina dial hadouk li tacherbou l9hwa 9assha dial lkharij! Yallah tantssenek ! wou sire awedtani tssara liya fi lbirouyate kamline 3ad jinni! “

Moi : « Bon Monsieur FlaneFlane je vous propose de commencer par un bref descriptif de l’application appelée XYZ version 5.3.8.11 »

Flaneflane : « Aaaah ! wakha ! marhba, yallah bismillah!”

Moi: “Ok l’application XYZ version 5.3.8.11 est une application américaine et qui a été développé en Inde »

Flaneflane : « Ahaaaahe les indiens la développent, les américains la vendent et les marocains qui l’utilisent !!!! »

Futé ce bonhomme, je bloque mon rire et j’enchaîne : «  Encore faut-il JUSTEMENT apprendre à l’utiliser ! alors on va oublier le descriptif pour ne pas créer de débat et on va se logger maintenant »

Et c’est là que le garçon du café arrive, avec les cafés et la kika !

Flaneflane tout content d’accueillir celui qu’il voit comme le Messie: « Ah sbah lkhire a khouya, choukran lehla yikhitike ! ewa keyed mezian fi lkounach wou matzidch men rassek ! andek ! Rani 7hadik ! Yallah Charmante demoiselle continue… »

Je reprends en essayant de me motiver : « Alors une fois qu’on s’est loggé, il suffit d’aller voir sa boîte de réception d’alertes pour… » Serrrrrr serrrrrr… le téléphone du bureau qui sonne

Flaneflane , un peu en stress, mais légèrement: « Oui allo…ah Si flanfertellanElkebire (son boss) ah oui, c’est vrai c’est vrai je dois faire ce travail ! Ah oui vous me l’avez demandé ! Mais vous ne m’avez pas dit pour quand ! Vous m’aviez juste dit de le faire…ah d’accord c’était pour hier ? wakha pour demain c’est bon ? Non ? Pour aujourd’hui? wakha! »

Il raccroche et me lance la mine dépitée… : « khassni nkhdem aala dakchi wakha ? tssenayni wahed 9ssem dial magana et je suis à vous… »

Une heure plus tard, on peut enfin reprendre et je fais défiler les écrans à mesure que j’explique pendant un bon moment. Puis, il se lève brusquement et va à la fenêtre. Surprise, je ne sais que dire. Je me demande si je n’y vais pas un peu trop vite, il n’arrêtait pas de fermer les yeux en les serrant fort et avec une grimace, et là il me sort une phrase qui provoque un de mes plus grands rires  de ma vie : « je dois me reposer les yeux, j’ai lu ça dans un journal sinon ce sera des lunettes de vue»

J’ai éclaté de rire et il m’a suivi dans mon fou rire ! On s’est mis tous les deux à rire, il avait compris que j’avais compris… il en a profité pour me montrer les fleurs qu’il avait à la fenêtre. Je découvrais un homme sensible, amoureux dela nature. Il avait deux pots de fleurs sur le rebord de sa fenêtre qui lui apportaient tant de joie. Parce que voir la beauté comme ça ravit son cœur dit-il…

Et d’un coup, il a regardé sa montre et me lance : « Aaaah safi jani jou3 daba, fach tatkereb tnach tadjini sakhfa, ra bhal chihaja fiya wou allah yi hfed wou safi ! la mklitch ra maghan teba3 tachi haja m3ak men ba3d »

On a repris après la pause déjeuner, où il m’a bien entendu invitée. Il m’a expliqué que c’était ça être un homme : payer pour la femme, que lui était récompensé de ma présence à son déjeuner. Tout nous séparait et pourtant une petite complicité s’est installée au fur et à mesure de la journée. La formation s’est bien déroulée l’après midi malgré un début difficile, il m’a expliqué qu’il était comme sa voiture Diesel, qu’il n’y avait que le démarrage qui était lent…

Ceci est une satire sur une de mes expériences dans l’administration. Pour avoir travaillé dans une administration également en France, elles sont plus ou moins toutes les mêmes. Toujours la même ambiance, le même panel de personnalités et d’attitudes différentes, peut être avec un peu plus de chaleur humaine dans le sud tout de même.

Dédicace à un Monsieur FlaneFlane qui part à la retraite...