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Le poison ou l'or vert du Rif (légalisation du cannabis au Maroc)

Je prends le risque que l’on me prenne pour une hchaychia alors que je n’ai jamais fumé de joint pour, comme dirait une certaine personne, le plaisir d’agiter vos idées ! Décrispez-vous ! Respirez un bon coup et oubliez tout ce que l’on vous a toujours dit de négatif sur le cannabis. Réfléchissez de nouveau avec un cerveau «vierge». Entrez dans mon billet en laissant vos préjugés et votre  conservatisme sur le banc de touche, le temps de se poser de nouvelles questions, d’essayer de voir les choses autrement et d’envisager de régler certains problèmes.

 

Si les preuves d’usage du cannabis remonte au néolithique, on parle de  son introduction au Maroc à partir du VIIème siècle par les Arabes. L’histoire du kif est mêlée à l’histoire politique du pays, et précisément  le Nord, la région du Rif. C’est à l’indépendance que la culture et la consommation du cannabis a été définitivement proscrite. Le pays a connu des périodes de tolérance vis-à-vis de cette drogue pour des raisons de stabilité politique, économique et sociale.

 

Parler du hashich, c’est évoquer un produit qui comporte en lui et véhicule le bien et le mal. D’un côté, le cannabis est un poison aux propriétés psychotropes reconnues, et de l’autre un produit avec un usage médicinal dans quelques pays. Sans pour autant développer les nombreux vices et vertus reconnus de ce produit, ils  paraissent mêlés et équilibrés tels que le yin et le yang, une moitié blanche et l’autre noire, opposés et complémentaires. Ni le yin ni le yang ne semble l’emporter.

 

J’aimerais que l’on visualise le cannabis comme le yin (le bien) un morceau de pain à conserver pour ceux qui le cultivent et le yang (le mal), de l’or vert pour les mafieux que l’on doit arrêter et emprisonner. Le Yin permet de faire vivre 800.000 personnes au Maroc et le Yang fait commettre des crimes aux dealers et crée de vrais caïds. Le côté blanc rapporte des devises à la région, de la richesse, le côté noir nourrit la corruption, le trafic et la contrebande dans le Rif.

 

Tout comme la drogue est à la fois yin&yang, le mode de résolution de ce problème est également à la fois blanc et noir. Côté Yin, de nombreux programmes de « reconstruction » et de désenclavement de la région ont été lancés au cours de ces dernières années: création de l’Agence de Développement du Nord, développement des infrastructures (autoroutes, Tanger Med, rocade méditerannéenne), lancement de grands projets offshorings (ex. Renault), construction de deux stations balnéaires dans le cadre du Plan Azur (Lixus et Saaidia) et lancement de cultures alternatives (certaines subventionnées par l’Union Européenne). Côté Yang, la répression est là aussi et de plus en plus agressive : le programme « Provinces sans cannabis », la sensibilisation de la population locale, les raids aériens de pesticides, les arrestations et destruction de production, les peines de prison et amendes revues à la hausse…

 

Des études ont été faites par l’Agence du Nord, l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) et par l'Observatoire géopolitique des drogues (OGD) évaluant l’importance du cannabis au Maroc, suivent quelques points à retenirr :

  • Une production quantifiée :  La production annuelle de cannabis brut est de l’ordre de 40.000 tonnes, et celle de résine de cannabis de 3.000 tonnes. On ne peut pas vraiment être certain du positionnement du Maroc dans la production mondiale. Toutefois, certaines études affirment que le Maroc est le premier producteur et exportateur mondial.
  • Superficie d’exploitation chiffrée : La culture s’étendait jusqu'à il y a quelques années sur 134.000 hectares du nord, en utilisant le quart de la surface agricole. Près de 100.000 exploitations agricoles, soit 1,3 hectares en moyenne par exploitation. La superficie ne cesse de décroitre depuis les 3 à 5 dernières annéees, elle a atteint la fourchette des 50.000 hectares. Certains rapports pessimistes évoquaient jusqu'en 2003 (le pic de l'exploitation) le risque pour le sol de la monoculture et de la déforestation dans le nord.
  • Grand employeur : Toute une région – au sol fertile – cultive le cannabis, on estime que cette culture procure les revenus de 96.600 familles dans le nord, un autre rapport indique le chiffre de 800.000 personnes vivant au total de cette culture.
  • Un rendement séduisant : la culture de chanvre rapporte selon l’irrigation ou non de 7 à 16 fois plus que la culture de l’orge.
  • Une richesse inégale car illégale : une économie parallèle estimée à 214 millions de dollars générés au Maroc, soit 1% du PIB. Mais le trafic à l’international de cette même production est quant à lui évalué à 12 milliards de dollars (ou 10 milliards d’euros en 2003) de l’autre côté de la Méditerrannée.

Il faut distinguer deux choses, la consommation d’une part et la production et l’exportation d’autre part. Légaliser la consommation de cannabis peut intégrer la politique actuelle de répression de la production. Dépénaliser les fumeurs de shit et ne pas les emprisonner, ne veut pas dire promouvoir le trafic et l’export illégal du cannabis. Il s’agit tout simplement de déclarer que fumer un joint au Maroc n’est pas de l’ordre de l’illégal et du pénal. Quant à la production, on devrait toujours lutter contre en créant d’autres sources d’emplois et de richesse. On pourrait toujours continuer de la même manière à réduire la production, avec les programmes de cultures alternatives, de développement de l’offshoring, le tourisme…etc comme ceux déjà en place. Il faut continuer à créer des richesses pour remplacer cette culture et être patient parce que quelques années ne peuvent venir à bout de décennies de trafic.

 

Il est inconcevable à mon sens qu’en 2011, on veuille encore enfermer dans une même cellule un terroriste, un violeur et un fumeur de joints. Il est utopique de croire qu’aucun marocain ne fumera de joints alors que la production nationale est selon les études internationales, la première du monde. Ce serait comme vouloir interdire à un français de boire du vin, à un cubain de fumer son cigare… Il est grotesque qu’avec la saturation des prisons selon les différentes enquêtes publiées dans les journaux on veuille encore enfermer des gens pour avoir roulé des joints et saturer davantage notre capacité geôlière.

 

Légaliser la consommation de cannabis ne fait pas renier pas la religion…

Oui ! le Maroc est un pays musulman et le restera, même si on dépénalise et légalise la consommation du cannabis. Le monde est ainsi fait, et la vie a été posée comme un défi, un challenge, une terre qui offre à la fois des puretés (une plante) que l’on peut transformer en impuretés (drogue). La pratique des préceptes de la religion est une question personnelle où chacun suit sa voie plus ou moins vertueuse vers la Vérité. Pour un religieux, ce qu’a interdit Allah nulle loi ne peut lui être supérieure. Si en son âme et conscience il ne désire pas en consommer, il ne le fera pas davantage parce que c’est toléré.

L’alcool se vend bien dans tous les grands commerces, est-ce qu’on se sent moins musulman ? Est ce que tous les marocains en boivent ? NON ! Au moins, on n’a pas de marché noir comme en Arabie Saoudite. On peut acheter dans plusieurs endroits de la viande porcine, est ce que tous les marocains mangent du jambon ? NON ! On a des boites de nuit, est ce que tout le monde s’y rend ? NON ! Au moins on n’a pas eu à creuser des tunnels et des caves comme en Iran. Alors ce ne sera pas différent cette fois non plus!

 

Les avantages de la légalisation du cannabis au Maroc :

 

- Contrôler et tracer la culture : on aurait des rapports et objectifs année après année, on pourrait également mettre en place des normes en teneur de THC (comme les Pays Bas) et contrôler les additifs chimiques lors de la fabrication de la résine de cannabis, pour éviter les produits frelatés

- Récolter des impôts et taxes : bien entendu, tout comme le tabac ou l’alcool, sa revente serait taxée. Les fonds amassés serviront au développement de la région du Rif (scolarisation, subvention de cultures alternatives etc…)

- Libérer les places en prison et la charge des policiers : on ne serait plus en train de traquer les consommateurs, qui ne font qu’augmenter, mais les trafiquants et dealers de drogues dures, d’armes etc…

- Améliorer la sécurité : en légalisant la consommation, on coupe l’herbe sous les pieds des dealers, on enlève tout pouvoir aux caïds et on sécurise davantage nos vies de quartiers. Les fumeurs occasionnels ne seront plus en contact avec un milieu pourri qui sera démasqué car affaibli.

- Lutter contre la corruption à tous les niveaux et empêcher le développement de la mafia : La lutte conte la corruption est un  sujet à la mode depuis un certain temps dans le monde arabe et également au Maroc. Comment lutter contre la corruption avec une mafia implantée dans tout le nord du Maroc ? Comment tout déclarer, tout assainir en maintenant l’illégalité de la consommation du cannabis ? Si l’on veut éradiquer le problème de la corruption, du blanchiment d’argent, de la fuite des capitaux, on se doit de légaliser d’abord la consommation du cannabis et maintenir le cap de réduction de sa culture.  Le cannabis peut servir de couverture à plus gros, plus dangereux et plus pourris.

- Reconnaître les vertus médicinales : Un travail a déjà été fait aux Etats-Unis, au Canada et aux Pays Bas qui reconnait certaines vertus et délivre le cannabis pour certains maux. Ces scientifiques ne pourraient pas tous se tromper. On pourrait légaliser pour engager des recherches également.

- Négocier davantage d'aide de l'Union Européenne: on devrait davantage demander d'aide de l'Union Européenne. En effet, tout marché s'équilibre par l'équation de l'offre et de la DEMANDE. L'essentiel de la recette se fait en Europe par des organisations criminelles internationales. Alors, on ne peut pas demander l'arrêt d'une culture "vivrière" et historique sans participer au financement de cette mutation. 

 

J’espère qu’un jour, le débat sera ouvert et public, que l’on arrêtera de se voiler la face. C’est utopique de croire que l’on peut arriver à bout de la corruption, et d’effacer le banditisme sans passer par les cases Transparence et Légalisation d’abord.  Il est indéniable que la politique de désenclavement du Nord, d’investissement et de développement du tourisme a réveillé la région mais il faut encore du temps pour que le cercle vertueux de croissance remplace irrévocablement l’économie parallèle du cannabis. On peut rester comme l’on est aujourd’hui et penser que cela partira un jour sans avoir à légaliser, que les gens un jour arrêteront de fumer, que les dealers trouveront un autre métier honorable et qu’aucun trafic de drogue dure n’atteindra le pays (c’est ironique, parce que la consommation ne peut qu’augmenter). Ou l’on peut décider d’avoir mal et accepter la situation pour vaincre le mal.  Je suis contre le trafic et contre la drogue, je suis pour l'ouverture d'un débat sans tabou sur la dépénalisation et la légalisation du cannabis.

 

Liens utiles :

Il n’y a jamais eu de débat public sur la question mais elle a été abordée par des journaux marocains. Plusieurs sites sont disponibles pour approfondir vos connaissances davantage sur la question du cannabis au Maroc. 

 

Tableau de dangerosité des drogues : 

http://fr.wikipedia.org/wiki/Cannabis#Usage_r.C3.A9cr.C3.A9atif 

 

 Je recommande l’article le plus complet :

Pierre-Arnaud Chouvy , « Production de cannabis et de haschich au Maroc : contexte et enjeux », L'Espace Politique [En ligne] , 4 |2008-1 , mis en ligne le 07 mars 2007, Consulté le 20 août 2011. URL :

http://espacepolitique.revues.org/index59.html

 

Ensuite à vous de piocher dans tous les articles ci-dessous

Histoire du Cannabis au Maroc

http://laniel.free.fr/INDEXES/GraphicsIndex/KIF_IN_MOROCCO/Histoire_CannabisMaroc.htm

 

Interview de  Chakib Al Khayari, Président de l’Association Rif pour les Droits de l’Homme  « Pourquoi Légaliser la Culture du Cannabis » – La Gazette du Maroc, du 23 au 29 Mai 2008

http://www.encod.org/info/POURQUOI-LEGALISER-LA-CULTURE-DU.html

 

« La culture du cannabis s'étend dans le nord du Maroc » LE MONDE | 16.12.03 | Jean-Pierre Tuquoi

http://www.bladi.net/forum/12213-vrais-chiffres-cannabis-maroc/

 

Le cannabis au Maroc : histoire brève d'un paradoxe politique :

http://www.cannaweed.com/actualites/_/news/le-cannabis-au-maroc-histoire-breve-dun-r2744

 

Maroc: la culture du cannabis s’étend dans le Nord

http://lewebpedagogique.com/adminpa1/2011/04/02/maroc-la-culture-du-cannabis-setend-dans-le-nord/

 

Dossier. Et si on légalisait le cannabis ? Telquel  http://www.telquel-online.com/233/couverture_233_1.shtml

 

 



20/08/2011
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